lundi 31 août 2009

BEAUCONGO ? (...1 mois déjà...)

Photos de la semaine du 25 au 30 août 2009

Les photos ci-dessous, ont pour l’essentiel été prises au cours de mes déplacements la semaine passée dans les paroisses de Saint Joseph  (dont le curé n’est autre que l’abbé Ange) et de Sainte Thérèse, dans la lointaine « banlieue » ponténévrine. J’ai beaucoup aimé Saint Joseph, c’est l’exemple type de la paroisse africaine (pas au sens de zone « administrative » mais au sens de lieu cultuel, d’habitation, de prière, d’enseignement, de soins (le dispensaire Caritas), et de vie : des enfants qui jouent, des femmes qui chantent, des vieux qui se reposent à l’ombre ), un ensemble de construction disposées tout autour d’un grand espace plus ou moins clôturé, plus ou moins arboré, une sorte de place du village bis.

 

 



Un bus bleu typique

En route vers Saint Joseph : la course poursuite derrière la voiture de l’Abbé Ange commence. Le but du jeu : ne pas le perdre de vue
Une route de la banlieue ponténévrine

Une grande avenue de la banlieue ponténévrine
L’Abbé Ange croise un taxi bleu, ces fameux taxis bleus d’Allah
Enfin on arrive à Saint Joseph (vite que je sorte de la voiture : j’ai le dos trempé)
Entrée de l’église de Saint Joseph
L’œuvre de l’abbé Ange : l’école primaire de la paroisse Saint Joseph : comme beaucoup de constructions, l’ouvrage n’est pas terminé : le premier étage sera finalisé ultérieurement
Une salle de classe de l’école primaire de Saint Joseph (les élèves sont en vacances jusqu’en octobre)
L’abbé Ange dans toute sa splendeur (on lit la ruse, la gentillesse et la bonne humeur dans ses yeux)


Une statuette en bois devant le logement de l’abbé Ange à Sainte Thérêse
Le bureau de l'abbé Ange

Le dispensaire de Saint Joseph = 1 infirmier permanent (ici assis, en plein travail)
Ils étaient super contents que le les prenne en photos

John Wayne
L’église provisoire de Sainte Thérèse
Le nouveau presbytère de Sainte Thérèse ; devant : Anicet en jaune et le gardien en rouge
Non ce n’est pas une piscine pour pygmées, mais une « bâche » en construction (c’est à dire un réservoir d’eau – en général  non « potable » - pour les usages ménagers et la toilette). En l’occurrence celle du nouveau presbytère de Sainte Thérêse.
Sur le retour : tout se vend (ici des accessoires pour automobiles)
Petit coup d’œil sur la mer, le long de la Côte Sauvage, avant de rentrer au bercail (le soleil vient de se coucher, dommage, j’aurais bien aimé me baigner : à cet heure là c’est trop dangereux !)







BEAUCONGO ?

Bientôt un mois que je suis là. Et tous les jours milles choses me surprennent positivement (très rarement) ou négativement (le plus souvent). Je suis dans la phase initiale du « choc culturel », celle où  la comparaison de ce qu’on vit ici avec ce qu’on a connu ailleurs se fait à l’avantage  de ce dernier (si vous voulez mon avis je vais rester dans cette phase jusqu’à mon retour en France, à moins que le Saint Esprit, ou une none irrésistible ne me congolise...ou ne me rende aveugle).

Les Congolai(d)s sont beaux...

A l’actif du positif (tant pis pour le pléonasme) je veux mettre en avant des éléments tenant à la nature, au caractère, et à l’ingéniosité des congolais :

- leur gentillesse et leur côté rigolard, sympathique et souvent chaleureux

- la prolixité emphatique de l’expression orale et écrite  (ils aiment les mots, les tournures compliquées...) ;  je n’en donne pour preuve s’agissant de l’écriture que les comptes rendus de réunion du conseil des affaires économiques et financières du diocèse que j’ai pu lire : il faut vraiment chercher à la loupe pour trouver un contenu opérationnel, informatif et décisionnel, dans ces documents : tout est dans le bla-bla ; l’important c’est le bla-bla et la longueur du texte...

- le sens du rythme et de la musique, la facilité et le naturel avec lesquels ils se mettent à chanter

- le besoin et le goût de paraître, de s’afficher, d’être vus. Cette tendance s’affirme en particulier dans les comportements vestimentaires. Ils aiment les costumes (on est au pays de la « SAPE » et des « SAPEURS » : la SAPE a donné le mot « sapé » en France), les marques, etc. L’apparence, les signes extérieurs, sont très importants et extrêmement recherchés, soignés, privilégiés. Hier, par exemple, j’ai vu un type faire un jogging avec de magnifiques gants de boxe rouges aux mains et une corde à sauter en bandoulière : il était important qu’il montre qu’il n’est pas monsieur lambda mais un super sportif qui s’entraine pour un match qui très probablement n’aura lieu que dans sa tête (la boxe est un sport très populaire ici). Le style quoi ! Évidemment pour un Français le style en question, surtout en matière vestimentaire, n’est pas toujours du meilleur goût et du plus raffiné...Des Congolaids vous dites, non des Congobeaux !

- le système D (dont la corruption n’est qu’une facette). Tout le monde a tellement l’habitude (quand quelqu’un ne l’a pas c’est tout de même dans les gènes) de se « démerder » en permanence pour survivre qu’il en résulte une sorte de sixième sens hypertrophié, celui de la Débrouille, de l’astuce, du contournement des problèmes. Malins ! Oui, très malins et rusés ces congolais. Attention, derrière une gentillesse divine il y a souvent une arnaque diabolique...

- j’ai gardé le meilleur pour la fin : la solidarité. Et en particulier la solidarité familiale. C’est sûrement la plus belle chose que les africains ont su préserver et que nous, occidentaux, nous avons délaissé... Là nous avons beaucoup à réapprendre auprès d’eux.

J’en viens maintenant au négatif. Je décris ci-dessous quelques exemples de particularités ponténégrines - disons congolaises, on pourrait même dire africaines - dont certaines me tapent sur le système en ce moment. 

...Mais le Congo...c’est pas très beau

Ici  on a le temps d’être beau. Hélas on a aussi le temps de tout rendre laid. Car tout s’inscrit dans le non-temps indéfini. Ceci a au moins quatre conséquences :

1) Beaucoup de choses ne semblent pas avoir de début ou de fin. Seul le présent compte, en tout cas il compte beaucoup plus que le futur ou le passé (c’est l’inverse en occident, où on est traumatisé à vie par son passé et angoissé à vie par ce qui peut arriver demain).

Par exemple, Samedi 29 août je suis allé visiter la petite paroisse Sainte Thérèse dans le quartier de Tchimbamba.  Son église est en construction depuis longtemps, comme beaucoup de constructions ici. Quand elle sera achevée, c’est à dire quand le gros œuvre sera grossièrement fini et qu’elle aura un toit, elle sera déjà vieille, comme beaucoup de bâtiments dits « neufs ». En attendant, un toit en tôles a été jeté sur une partie de l’édifice pour permettre le rassemblement des fidèles et la tenue des offices. Et l’herbe pousse. Car la vie, elle, c’est le présent. Mais ce n’est pas très beau.

2) La ponctualité a peu de sens ici. En France quand on dit 15 heures c’est 15 heures par rapport à 24 heures. Ici c’est 15 heures par rapport à l’éternité. Donc deux heures de retard c’est rien. Estimez-vous heureux si la personne que vous attendez vient à son rendez-vous ou finit par faire ce qu’elle a dit qu’elle ferait. J’en fais l’expérience tous les jours.  L’absence de toute rigueur dans les horaires peut rapidement vous gâcher la journée, la rendre très...laide.

Par rapport à çà, il n’y a qu’un truc : rester cool (je voudrais vous y voir) !

3) Le temps peut s’arrêter, on n’en meurt pas. Ce qui compte ici, pour la plupart des gens, c’est de ne pas mourir, de survivre, fut-ce en étant malade. Le reste on s’en tape, mises à part les belles fringues payées par papa Sassou. C’est ce qui explique par exemple que tout le monde prends ici avec philosophie les coupures de courant, un peu comme on accepte que le soleil disparaisse des heures derrière un cumulo-nimbus...Il reviendra. Mais les groupes électrogènes çà fait du bruit, çà pue et la fumée irrite les yeux. Tout çà c’est pas très beau.

4) Pour un occidental le temps çà sert à changer les choses, transformer, « progresser ». Ici le temps évolutif, vers une vie meilleure sur terre, ne semble pas exister. Seul le temps répétitif (manger, boire, dormir...), celui de la survie, semble compter.

D’où l’importance du surnaturel *(c’est là que se décide l’évolution s’il y en a une), des esprits* (c’est eux qui font le boulot pour modifier l’existant), de l’au-delà (c’est là que se trouve la vie meilleure)... D’où, plus encore et surtout, le fatalisme à tous les étages et dans tous les rayons. Fatalisme politique, social, économique, environnemental, sanitaire, religieux (un coup de patte aux églises locales, y compris la très catholique église romaine : je trouve qu’elles entretiennent, sinon véhiculent, la résignation, l’acceptation de la misère, de la souffrance...)... Bref, le fatalisme de la laideur.

(*) : Même Anicet, mon « copain » séminariste est un peu fétichiste (ses parents l’étaient) : par exemple il croit aux sirènes qui peuplent la mer...

- Comment expliquer que tout un peuple (fraude et magouille électorale massives mises à part) revote pour un tyran dangereux (Sassou N’Guesso) qui les a maintenus pendant vingt cinq ans dans la misère ? Comment expliquer qu’en 49 ans d’indépendance ils n’aient pas été foutu de faire une route goudronnée et d’avoir un train fiable et sûr pour relier Brazzaville à Pointe Noire ? Comment l’expliquer sinon en intégrant cette propension maso-fataliste à l’immobilisme de l’africain. Je sais c’est trop simple de dire çà. Ils ne peuvent rien faire, ils ont juste le droit de la fermer dans un État où la liberté individuelle est une fiction, une mystification reprise régulièrement dans les discours officiels uniquement pour rassurer les occidentaux. « Mais il y a eu le marxisme, et puis il y a eu dix ans de guerre civile », vous allez me dire ? - Alors là, désolé : au lieu de faire de la théorie et, ensuite, de se taper sur la gueule ils n’avaient qu’à construire des routes, des ponts, des hôpitaux et des écoles. Et puis merde ! La guerre civile c’était il y a dix ans. En dix ans, non seulement ils n’ont rien fait mais ils ont régressé. Les Africains ont le droit et le devoir d’être responsables et autonomes comme tout le monde. Il est temps que ce continent devienne enfin adulte et se prenne enfin lui-même en charge ! Si l’Afrique est le casino du monde, où toutes les multinationales viennent faire leur marché (par exemple Total et ENI à pointe Noire), c’est aussi parce que les Africains le veulent bien.

- Comment expliquer l’irrationalité économique qui prévaut ici dans de nombreuses sphères de l’activité humaine ? Un exemple : la circulation automobile à Pointe-Noire. Toute la journée, à n’importe quel endroit de la ville, les rues sont encombrées de voitures. Résultat : une pollution terrible, et du temps « perdu » par tout le monde. A cause de quoi ? A cause d’un excédent démentiel de taxis bleus. Ce sont pratiquement les seuls véhicules que l’on voit dans la rue tellement ils sont nombreux... Pourquoi tant de taxis souvent vides ? Pour la gloire d’Allah ! Qui donne la voiture ? Réponse : l’Église musulmane. C’est un moyen de racoler de nouveaux croyants. On te donne un instrument de travail – un taxi – mais en échange tu deviens musulman. Et de fait, force est de constater qu’Allah a trouvé là un filon fantastique pour augmenter ses fidèles sans prêcher... En Asie il ya des vélos et des mobylettes partout. Ici il n’y en a pas (sauf quelques motos – des « Jakarta »). Personne ne fait du vélo ici. Même les nièces de l ‘évêque ne savent pas faire du vélo.

- Comment expliquer la tolérance presque sans limite de la population à la pollution, sinon l’idée que supprimer la pollution est au mieux une idée d’occidental qui n’aboutira jamais, au pire un remède qui générera un mal plus grand encore que le mal initial. C’est mon analyse. Mais chacun la sienne. Il reste dans tous les cas une même réalité. De la fumée et du bruit partout. Des déchets – des sacs en plastique en particulier – partout au bord des routes, le long de la voie de chemin de fer et dans la plupart des parcelles situées dans les quartiers modestes. S’il y a un genre de photos que je peux prendre n’importe quand et n’importe où (sans même être interpelé par la police) c’est bien la photographie des déchets... Et pourtant il ya des solutions simples à ce problème. 

Et le beau Serge dans tout çà ? 

« Et le beau Serge dans tout çà ? Il va bien. Il se demande juste quelle trace il laissera derrière lui quand il repartira en France. En fait il est de plus en plus convaincu qu’il ne laissera rien (surtout au plan professionnel), sauf des liens humains, l’influence qu’il aura exercé sur tel ou telle par son attitude, ses propos, sa vision. Repartira-t-il avec quelque chose de précieux ? Peut-être. Pour l’instant ce n’est pas gagné. Bref il se demande toujours ce qu’il fout là.

L’évêque a une robespierrite aigüe depuis qu’il est tout petit. Il ne fait confiance à personne. Il veut tout changer...mais sans se changer. Pourtant c’est le bordel intégral...Et le responsable c’est tout de même lui. Pour ne rien arranger il est malade (hernie discale...).

Miraculeusement il tient le coup (je parle de Serge). Pour combien de temps ? Il n’ose pas en dire plus, mais on comprend à travers les lignes, que ce n’est pas le pied... Je fais tout ce que je peux pour l’encourager.

PS : ne vous inquiétez pas ! Si je parle tout haut de choses que je  ne devrais même pas penser tout bas, c’est que Serge est d’accord avec moi. »

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