W-E du 8/9 août : un week-end qui aurait pu être ordinaire...
Cette première semaine aura été pour moi, bien évidemment, très instructive et riches en découvertes et en enseignements sur un monde ô combien différent...En vrac ci-dessous : quelques réflexions/infos/récits... :
I) De la vie chère
"La vie chère", mais c’est un « truc » français çà, vous allez me dire. Que nenni ! Quant on voit les prix pratiqués dans le Centre de Pointe-Noire (presque le même prix qu’en France pour les choses de la vie courante, notamment les biens et services de grande consommation) on peut être pris d’un violent malaise si on s’interroge sur la signification de cette situation.Le centre de Pointe-Noire (incluant le quartier du Plateau où se trouve l’évêché) est un Ghetto pour riches Congolais et riches « Expats » en 4x4. Les classes moyennes sont reléguées à la périphérie dans des quartiers où les rues ne sont pas bitumées, et les pauvres encore plus loin, dans les nombreux bidonvilles* bourrés de détritus qui pullulent à la lisière de la brousse (* : concentrations d’abris précaires vaguement murés, recouverts de tôles dans le meilleur des cas, style « favellas » à l’horizontal).Moi je me demande franchement comment les gens font pour vivre . Par exemple, au pays de l’or noir, un litre de super vaut près de 600 Francs CFA (1€ = 656 FCFA).En fait il existe deux économies parallèles, une très occidentalisée, pour les riches, une plus congolaise (il faut aller sur le « grand marché » traditionnel pour s’en conviancre), pour les pauvres.Mais il y a quand même un trait d’union entre ces deux catégories : le téléphone mobile ! Tout le monde en a ou presque. Beaucoup en ont plusieurs. Les vendeurs de carte sim sont partout sur le bord des rues. Les opérateurs de téléphonie occupent le devant de la scène en matière de publicité....Comprendre comment les gens font pour survivre dans ces conditions c’est d’abord accepter de croire que les gens peuvent vivre avec rien ou presque...Pour un Européen ce n’est pas aussi simple que çà.
II) Famille, Matriarcat, Identité, Polygamie et Place de la femme dans la société africaine
En Afrique la « Famille » - vaste réseau de solidarité envers toute personne parente par le sang ou par alliance, à quelque degré que ce soit..., à quoi il faut ajouter les personnes adoptées, les épouses supplémentaires et leur descendance ainsi que leur famille, etc, etc, etc. – est le coeur et le pilier de tout le système social et économique. Si on n’intègre pas cette dimension, on ne peut pas comprendre comment marche toute structure formelle ou informelle africaine sur le plan matériel ...
Cette première semaine aura été pour moi, bien évidemment, très instructive et riches en découvertes et en enseignements sur un monde ô combien différent...En vrac ci-dessous : quelques réflexions/infos/récits... :
I) De la vie chère
"La vie chère", mais c’est un « truc » français çà, vous allez me dire. Que nenni ! Quant on voit les prix pratiqués dans le Centre de Pointe-Noire (presque le même prix qu’en France pour les choses de la vie courante, notamment les biens et services de grande consommation) on peut être pris d’un violent malaise si on s’interroge sur la signification de cette situation.Le centre de Pointe-Noire (incluant le quartier du Plateau où se trouve l’évêché) est un Ghetto pour riches Congolais et riches « Expats » en 4x4. Les classes moyennes sont reléguées à la périphérie dans des quartiers où les rues ne sont pas bitumées, et les pauvres encore plus loin, dans les nombreux bidonvilles* bourrés de détritus qui pullulent à la lisière de la brousse (* : concentrations d’abris précaires vaguement murés, recouverts de tôles dans le meilleur des cas, style « favellas » à l’horizontal).Moi je me demande franchement comment les gens font pour vivre . Par exemple, au pays de l’or noir, un litre de super vaut près de 600 Francs CFA (1€ = 656 FCFA).En fait il existe deux économies parallèles, une très occidentalisée, pour les riches, une plus congolaise (il faut aller sur le « grand marché » traditionnel pour s’en conviancre), pour les pauvres.Mais il y a quand même un trait d’union entre ces deux catégories : le téléphone mobile ! Tout le monde en a ou presque. Beaucoup en ont plusieurs. Les vendeurs de carte sim sont partout sur le bord des rues. Les opérateurs de téléphonie occupent le devant de la scène en matière de publicité....Comprendre comment les gens font pour survivre dans ces conditions c’est d’abord accepter de croire que les gens peuvent vivre avec rien ou presque...Pour un Européen ce n’est pas aussi simple que çà.
II) Famille, Matriarcat, Identité, Polygamie et Place de la femme dans la société africaine
En Afrique la « Famille » - vaste réseau de solidarité envers toute personne parente par le sang ou par alliance, à quelque degré que ce soit..., à quoi il faut ajouter les personnes adoptées, les épouses supplémentaires et leur descendance ainsi que leur famille, etc, etc, etc. – est le coeur et le pilier de tout le système social et économique. Si on n’intègre pas cette dimension, on ne peut pas comprendre comment marche toute structure formelle ou informelle africaine sur le plan matériel ...
Matriarcat
Ce Dimanche 9 août, après le petit déjeuner l’évêque décide de me faire « un cour » sur la famille africaine et le matriarcat.Comme chacun sait, dans la tradition africaine la famille est régie par le Matriarcat. Ceci ne signifie pas que l’autorité familiale est une prérogative des femmes. Non. L’homme reste le maître (officiellement, ; en coulisse c’est comme dans le monde entier : le femme décide in fine par la porte ou par la fenêtre...ou pique une crise de nerf (je blague)). Mais il détient son autorité de la femme. En clair quand une femme se marie avec un homme c’est le frère de la femme qui devient le chef de famille si par exemple l’homme vient à décéder et qu’il y a des décisions à prendre.Ce système a notamment des conséquences en matière d’héritage. Dans l’exemple ci-dessus, en cas de mort du mari, ce n’est pas la femme, veuve, et ses enfants qui héritent des biens du couple (la maison commune...) mais la famille du mari. Du moins selon la tradition, car en droit congolais (comme en droit français) c’est la veuve et ses descendants qui sont privilégiés. Donc, après le décès de l’époux, la famille du défunt demande à la femme de quitter la maison conjugale, de prendre ses enfants et de refaire sa vie... « Tu gardes les enfants, donc nous on reprend la maison ». Cette logique repose sur l’idée d’une compensation : les enfants sont une richesse (des bras et des revenus potentiels), en échange de quoi la famille doit pouvoir garder les biens matériels du couple...La femme a le droit pour elle mais la famille du défunt revendique la coutume. Bien évidemment il y a souvent conflit : il y a alors palabre...Un arrangement amiable – même plus ou moins bancal – est toujours préféré à un arbitrage devant les tribunaux...Beaucoup de gens s’élèvent aujourd’hui contre un système traditionnel injuste et le plus souvent très pénalisant pour la veuve, même après la palabre...
Nom de famille, Identité
Ces particularités africaines ont évidemment une répercussion sur l’identité (nom de famille, définition de l’univers d’appartenance de la personne) des gens. On porte, certes, le nom de son père mais aussi le nom de la « racine » de la mère : pas directement le nom paternel de la mère, mais le nom générique de la famille de la mère. Par exemple si une famille est originaire des bords d’un affluent du Congo, le nom générique sera du style « au bord du grand fleuve puissant » ou n’importe quoi dans le genre. Mais il n’y aura jamais deux noms génériques pareils. Impossible, car tout le monde connait tout le monde...
Polygamie
Beaucoup d’hommes ont plusieurs femmes. La plupart des hommes qui en ont le moyens ont, en pratique, ouvertement ou dans l’ombre, plusieurs épouses. Outre l’appétit sexuel, il y a plusieurs raisons à cela. L’une d’entre elles tient au fait qu’en cas d’impossibilité pour un couple d’avoir des enfants, très vite les familles s’accusent mutuellement. La femme peut toujours prouver concrètement sa descendance si elle en a... Ce n’est pas le cas de l’homme... Prendre une deuxième ou troisième épouse lui permettra de montrer à tout le monde qu’il peut engendrer. Et voilà le travail...La machine polygame est lancée.Le système est renforcé par le fait qu’il y a dans de nombreuses régions (c’est le cas au Congo) un excédent de femmes qui ne trouvent pas de maris. Pour sortir de cette situation, beaucoup acceptent d’être une seconde ou une troisième épouse. Inversement la première épouse qui n’a pas d’enfants encouragera souvent son mari à prendre une deuxième épouse à condition qu’il ne la chasse pas...
III) Dimanche 10h... : Messe dominicale
Aujourd'hui Dimanche je suis allé avec l'évêque (Mgr Makaya Loemba) et son secrétaire général (L’abbé Daunat-Michel) à la messe à Notre Dame, la principale église de Pointe Noire. C'est moi qui conduisait le beau 4x4 blanc de l'évêché offert par le Président Sassou...L’évêque a pris sa place près du chœur et nous, nous sommes allés nous asseoir bien modestement dans le fond de l’église.L'église était pleine à craquer, il y avait beaucoup de jeunes. Rien que çà...çà change ! Beaux habits, belles parures et coiffures multicolores, parfums (l'assistance dans cette paroisse appartient, pour l'essentiel à la classe sociale la plus aisée de P-N)...Mélanges (ici on s’asseoit où l’on veut).Ce qui m’a plu c’est la simplicité et la ferveur des fidèles. Ce qui a déclenché mon enthousiasme c’est la musique (tambours et tam-tam), les chants et les rythmes.A la sortie échange de poignées de mains et présentation du petit nouveau (moi)...
IV) Dimanche 17h30... : « Là ou Tintin fait encore reparler de lui et d’une de ses aventures dont il a le secret »
Un miracle ne suffisait pas. Il en fallait (au moins ?) un deuxième. Dimanche après-midi je suis allé en reconnaissance à pied dans la ville. Je me suis rapproché petit à petit de la mer et j’ai voulu faire une photo sur la plage de tous les navires mouillés dans la rade (une armada). Au moment où je faisais la photo un jeune homme de 20-25 ans est arrivé derrière mon dos et a voulu me voler mon téléphone portable. Il a raté son coup mais il a persisté dans ses intentions... Il a commencer à me donner des coups de pieds et a tenté de me reprendre de force l’appareil. Je me suis défendu comme un lion. Je suais à grosses gouttes. J’avais peur. Je me suis mis à crier « au secours » très fort. Je résistais. Je voulais gagner du temps. De rage j’ai voulu un moment faire usage de mes poings et tenter un direct dans le visage. Heureusement je me suis raisonné et je n’ai pas tenté ce geste...J’ai essayé de négocier avec lui. Je lui ai donné le peu d’argent que j’avais sur moi (j’avais au moins pris la précaution de me promener sans argent ou presque), soit 1500 FCFA.. Il l’a pris mais il voulait toujours prendre mon appareil. Malin comme un singe il a réussi a ouvrir le boitier de la batterie et à prendre cette dernière ? Là-dessus est arrivé un de ses copains. J’ai dit au nouveau venu de venir à mon secours. Peine perdue, il restait passif à regarder la scène. Le corps à corps se poursuivait. Ma chemise était toute maculée de sable poussiéreux... Je transpirais, je criais, j’avais peur. J’avais peur qu’il sorte un couteau...Tout çà à duré au moins 7 ou 8 minutes. Je n’en pouvais plus...Et puis le second miracle s’est produit. Des personnes ont alors accouru...Ils étaient 4 ou 5 au début, puis dix, puis vingt. Mon agresseur a pris la fuite mais son complice a été rattrapé sur le champ sur ma demande pressante. Je l’ai sermonné et, le pauvre, il s’est fait rossé, tapé (ici ils ne font pas dans la dentelle). Je suis retourné avec eux à un petit village de paillottes près de la plage. Là un comité d’accueil d’un cinquantaine de curieux nous attendaient. Entre temps, la chasse à l’agresseur avait été donnée et la police avertie. Les policiers m’attendaient. L’agresseur avait été repris (il y a des indics partout ici ?!). Il était dans la voiture de la police. Ils m’ont fait monter à côté de lui (le comble !). Nous sommes allés jusqu’au poste de police, à côté, car ils voulaient que je fasse une déposition. Ils ont déshabillé l’agresseur et ils ont commencé à lui donner des coups. Ils ne s’arrêtaient plus. Je leur ai demandé d’arrêter le massacre... Ils s’en foutaient. Dans son pantalon on a retrouvé la batterie et mon argent. Le chef est arrivé. Il m’a posé deux ou trois questions. Puis il m’ont fait signe que je pouvais partir...
Bilan de cette histoire :
- Un miracle : mon portable est intact et au complet, je n’ai qu’un petit hématome au niveau du tibia et le pied droit un peu endolori.
- Et surtout une bonne leçon : maintenant je sais que je suis dans un monde différent. On ne m’y reprendra plus.
III) Dimanche 10h... : Messe dominicale
Aujourd'hui Dimanche je suis allé avec l'évêque (Mgr Makaya Loemba) et son secrétaire général (L’abbé Daunat-Michel) à la messe à Notre Dame, la principale église de Pointe Noire. C'est moi qui conduisait le beau 4x4 blanc de l'évêché offert par le Président Sassou...L’évêque a pris sa place près du chœur et nous, nous sommes allés nous asseoir bien modestement dans le fond de l’église.L'église était pleine à craquer, il y avait beaucoup de jeunes. Rien que çà...çà change ! Beaux habits, belles parures et coiffures multicolores, parfums (l'assistance dans cette paroisse appartient, pour l'essentiel à la classe sociale la plus aisée de P-N)...Mélanges (ici on s’asseoit où l’on veut).Ce qui m’a plu c’est la simplicité et la ferveur des fidèles. Ce qui a déclenché mon enthousiasme c’est la musique (tambours et tam-tam), les chants et les rythmes.A la sortie échange de poignées de mains et présentation du petit nouveau (moi)...
IV) Dimanche 17h30... : « Là ou Tintin fait encore reparler de lui et d’une de ses aventures dont il a le secret »
Un miracle ne suffisait pas. Il en fallait (au moins ?) un deuxième. Dimanche après-midi je suis allé en reconnaissance à pied dans la ville. Je me suis rapproché petit à petit de la mer et j’ai voulu faire une photo sur la plage de tous les navires mouillés dans la rade (une armada). Au moment où je faisais la photo un jeune homme de 20-25 ans est arrivé derrière mon dos et a voulu me voler mon téléphone portable. Il a raté son coup mais il a persisté dans ses intentions... Il a commencer à me donner des coups de pieds et a tenté de me reprendre de force l’appareil. Je me suis défendu comme un lion. Je suais à grosses gouttes. J’avais peur. Je me suis mis à crier « au secours » très fort. Je résistais. Je voulais gagner du temps. De rage j’ai voulu un moment faire usage de mes poings et tenter un direct dans le visage. Heureusement je me suis raisonné et je n’ai pas tenté ce geste...J’ai essayé de négocier avec lui. Je lui ai donné le peu d’argent que j’avais sur moi (j’avais au moins pris la précaution de me promener sans argent ou presque), soit 1500 FCFA.. Il l’a pris mais il voulait toujours prendre mon appareil. Malin comme un singe il a réussi a ouvrir le boitier de la batterie et à prendre cette dernière ? Là-dessus est arrivé un de ses copains. J’ai dit au nouveau venu de venir à mon secours. Peine perdue, il restait passif à regarder la scène. Le corps à corps se poursuivait. Ma chemise était toute maculée de sable poussiéreux... Je transpirais, je criais, j’avais peur. J’avais peur qu’il sorte un couteau...Tout çà à duré au moins 7 ou 8 minutes. Je n’en pouvais plus...Et puis le second miracle s’est produit. Des personnes ont alors accouru...Ils étaient 4 ou 5 au début, puis dix, puis vingt. Mon agresseur a pris la fuite mais son complice a été rattrapé sur le champ sur ma demande pressante. Je l’ai sermonné et, le pauvre, il s’est fait rossé, tapé (ici ils ne font pas dans la dentelle). Je suis retourné avec eux à un petit village de paillottes près de la plage. Là un comité d’accueil d’un cinquantaine de curieux nous attendaient. Entre temps, la chasse à l’agresseur avait été donnée et la police avertie. Les policiers m’attendaient. L’agresseur avait été repris (il y a des indics partout ici ?!). Il était dans la voiture de la police. Ils m’ont fait monter à côté de lui (le comble !). Nous sommes allés jusqu’au poste de police, à côté, car ils voulaient que je fasse une déposition. Ils ont déshabillé l’agresseur et ils ont commencé à lui donner des coups. Ils ne s’arrêtaient plus. Je leur ai demandé d’arrêter le massacre... Ils s’en foutaient. Dans son pantalon on a retrouvé la batterie et mon argent. Le chef est arrivé. Il m’a posé deux ou trois questions. Puis il m’ont fait signe que je pouvais partir...
Bilan de cette histoire :
- Un miracle : mon portable est intact et au complet, je n’ai qu’un petit hématome au niveau du tibia et le pied droit un peu endolori.
- Et surtout une bonne leçon : maintenant je sais que je suis dans un monde différent. On ne m’y reprendra plus.
V) Voiture :
Demain Lundi 10 août on réceptionne ma petite voiture (photo ci-dessus). Sans doute une voiture européenne recyclée en Afrique via une mafia X et retapée. Je vais l’essayer demain avec Patou, le chauffeur de Monseigneur...
La suite dans le prochain numéro.
Mon cher Tintin je pense t'envoyer une cargaison de whisky dans les prochains jours. La castafiore veut venir chanter à Pointe Noire. Je serais ravie qu'elle dégage de Moulinsart. Ah et puis je te signale que les Dupont sont chargés par Interpol de te suivre et de te protéger dans tous tes déplacements. Mille Tonnerre de Mille Sabords, je vais leur tordre le cou à ces petits voleurs et à ces corrupteurs !
RépondreSupprimerCapitaine Haddock.